Le seed cycling

Quels principes ? Est-ce efficace pour déclencher ou réguler les cycles menstruels ? Qu'en retenir ?


Revenons tout d’abord sur les causes d’une absence ou d’une irrégularité des cycles menstruels. 
Les cycles peuvent être absents pour plusieurs raisons:

  • la grossesse 

  • la ménopause

  • une insuffisance ovarienne précoce

  • une tumeur

  • une aménorrhée hypothalamique

  • un syndrome des ovaires polykystiques 

  • … des tas d’autres conditions


Il est donc indispensable de consulter un professionnel de santé si vos cycles disparaissent ou deviennent irréguliers


Ceci étant précisé, le seed cycling peut-il aider à redéclencher des cycles absents ou les réguler s’ils sont anarchiques ? Des graines donc pour la régulation hormonale ?


1- Qu'est-ce que le seed cycling ? 

C’est le fait de consommer certains mix de graines dans certaines phases du cycle menstruel ou de s’appuyer sur les cycles lunaires si les cycles sont absents ou irréguliers. 

En pratique, le seed cycling conseille de consommer un mélange de graines:


  • lin/courge pendant les 14 premiers jours du cycle (phase folliculaire) 

  • sésame/tournesol pendant les 14 derniers jours du cycle (phase lutéale après ovulation)


Ou bien, si les cycles sont irréguliers ou absents:

  • lin/courge de la nouvelle Lune à la pleine Lune 

  • sésame/tournesol de la pleine Lune à la nouvelle Lune


Comme les hormones varient au cours des phases, le seed cycling est censé “supporter” la production des oestrogènes ou de la progestérone selon le moment du cycle. 


2- Pourquoi le seed cycling n'est pas magique ?

Premier point: 

Il n’y a aucune association entre les phases de la Lune et celles du cycle menstruel, sur des milliers de cycles étudiés, le début tombe de manière aléatoire peu importe la phase du cycle lunaire. S’il y a donc une correspondance avec un cycle lunaire, elle est plutôt expliquée par… un hasard. * (quelques ressources à la fin de l'article)


Deuxième point:

La méthode ne prend pas en compte le fait que le cycle varie d’une femme à l’autre et chez la même femme. Les cycles peuvent varier de 21 à 35 jours sans que cela ne soit problématique. L’ovulation n’est pas toujours le 14ème jour, les durées des phases lutéales et folliculaires peuvent différer, et les fluctuations hormonales sont complexes et individuelles. On ne peut pas seulement les résumer à “oestrogènes” en phase folliculaire et “progestérone” en phase lutéale. Ce sont de gros raccourcis. 


Troisième point, le plus important: 

Les mix de graines conseillés n’ont aucun appui scientifique concernant leur effet sur la production d’œstrogènes et de progestérone. Seules les graines de lin sont un peu plus étudiées que les autres, mais aucune donnée solide n’est disponible aujourd’hui pour recommander leur utilisation dans le cadre d’une aménorrhée hypothalamique (donc pour relancer le cycle menstruel) ou d’une irrégularité des cycles.
L'irrégularité des cycles ou l'oligoménorrhée - les cycles font 35 à 90 jours dans ce cas - peut se retrouver dans différents contextes (et d'autres!) :

- L'oligoménorrhée est l'un des troubles du cycle le plus sévère (avec l'aménorrhée hypothalamique ou l'absence complète de cycles)  notamment rencontré chez les femmes sportives (amatrices ou non !) et/ou qui ont des troubles du comportement alimentaire (anorexie ou orthorexie, par exemple).

- Cet allongement anormal des cycles est également rencontré dans le cadre d'un syndrome des ovaires polykystiques.

- Les cycles s'espacent également à l'arrivée de la ménopause, une période appelée péri-ménopause.


Tous ces contextes hormonaux sont différents et impliquent donc des traitements et mesures différentes en ce qui concerne l'alimentation (je souligne l'importance d'être suivie médicalement). Pour être brève, le syndrome des ovaires polykystiques et les changements hormonaux opérés lors de l'entrée en ménopause peuvent s'accompagner d'une dégradation au niveau des marqueurs du cholestérol et d'autres marqueurs sanguins. Ces désordres peuvent être problématiques à long terme et entraînent une augmentation des risques de maladies cardiovasculaires.



La supplémentation en graines de lin a été étudiée dans le contexte du syndrome des ovaires polykystiques. Pour le moment, il ne semble pas que la supplémentation ait un effet qui soit significatif sur les hormones sexuelles (testostérone ou DHEA). Dans une récente étude, des chercheurs ont comparé la supplémentation en graines de lin moulues et la mise en place de modifications de style de vie (activité physique et quelques guidelines nutritionnelles) avec seulement la mise en place de modifications de style de vie. Ils ont trouvé un léger effet bénéfique de la supplémentation en graines de lin sur les marqueurs glycémiques, ce qui est probablement lié aux fibres contenues dans les graines (ainsi que sur certains marqueurs d'inflammation). Le design de l'étude comportait néanmoins quelques failles et les participantes ont reporté des effets secondaires à la consommation de 30gr de graines de lin moulues par jour. 

Alors pourquoi elles sont surcôtées ? Parce-que certaines études sont menées sur des animaux. Sauf qu'elles ne sont pas du tout transposables chez la femme. L'état des données actuelles n'est à ma connaissance pas assez exhaustif pour affirmer que l'ajout de graines en tant que tel aurait un impact sur les cycles menstruels. 
Toujours concernant le SOPK, la supplémentation en omégas-3 pourrait être intéressante, et une étude mentionne un raccourcissement des cycles menstruels chez des femmes qui ont consommé 180mg d'EPA et 120mg de DHA par jour pendant 6 mois (comparé à un placebo). Néanmoins, le besoin d'autres études à ce sujet sont indispensables pour établir les dosages et les contextes spécifiques dans lesquels ce type de supplémentation pourrait améliorer la régularité des cycles menstruels dans le cadre d'un SOPK. 


3- Qu’est-ce qu’on retient ?


À ce jour, il n’existe pas de preuve solide concernant l’ingestion de graines et la régulation des hormones sexuelles. Encore moins en fonction des cycles de la Lune.

Ce qui peut néanmoins être intéressant dans cette “approche”, particulièrement chez les femmes qui présentent un syndrome des ovaires polykystiques ou chez les femmes entrant dans la ménopause (sur laquelle j'écrirai certainement), est l'apport en acides gras polyinsaturés végétaux (certains omégas 3 et 6). Mais l'effet concernerait prioritairement les marqueurs (comme le cholestérol par exemple) indicateurs de la santé cardiovasculaire. Évidemment, les pathologies liées aux troubles du cycle sont complexes et il ne s'agit pas de penser que la simple consommation de certaines graisses résoudrait toute problématique. Généralement, ce type de contexte implique de prendre en considération l'alimentation globale, l'activité physique voire le poids.

Pour d'autres apports en omégas 3 et 6, vous pouvez également varier les huiles: huiles de colza, noix, lin, tournesol, sésame... les graines de chia sont également riches en omégas-3. Néanmoins, les omégas-3 cités dans l'étude ci-dessus (EPA et DHA) sont trouvés dans les poissons gras (saumon, maquereau, sardine notamment). Les graines de chia et de lin sont les plus riches en fibres  (il faudrait consommer une quantité assez importante de graines de sésame, tournesol et courge pour avoir un montant intéressant).



Dernière petite note: les graines ont certes un apport intéressant en nutriments, mais elles restent une source importante de calories. Selon votre contexte donc, elles ne représentent pas forcément les aliments qui seront adaptés pour améliorer votre santé hormonale.

En conclusion, le seed cycling n'a pas d'appui scientifique et n'est pas forcément le protocole le plus adapté lorsqu'on présente un trouble du cycle. Leur consommation peut être intéressante dans certains contextes (qui dépassent le sujet de cet article), et si vous appréciez leur goût ou leur texture, utilisez-les par plaisir, avec parcimonie !

Concernant l'aménorrhée hypothalamique, le seed cycling n'a pas d'appui scientifique, comme mentionné plus haut. Si vous souhaitez en savoir plus concernant le retour de cycle naturel, je vous laisse découvrir les modules disponibles sur le site. J'ai en effet créé un accompagnement complet qui détaille les recherches scientifiques et donne le plus d'outils possibles afin d'en guérir.


Quelques sources

Hajishafiee, M., Askari, G., Iranj, B., Ghiasvand, R., Bellissimo, N., Totosy de Zepetnek, J., & Salehi-Abargouei, A. (2016). The Effect of n-3 Polyunsaturated Fatty Acid Supplementation on Androgen Status in Patients with Polycystic Ovary Syndrome: A Systematic Review and Meta-Analysis of Clinical Trials. Hormone and metabolic research = Hormon- und Stoffwechselforschung = Hormones et metabolisme, 48(5), 281–289. https://doi.org/10.1055/s-0042-105288

Haidari, F., Banaei-Jahromi, N., Zakerkish, M., & Ahmadi, K. (2020). The effects of flaxseed supplementation on metabolic status in women with polycystic ovary syndrome: a randomized open-labeled controlled clinical trial. Nutrition journal, 19(1), 8. https://doi.org/10.1186/s12937-020-0524-5

Khani, B., Mardanian, F., & Fesharaki, S. J. (2017). Omega-3 supplementation effects on polycystic ovary syndrome symptoms and metabolic syndrome. Journal of research in medical sciences : the official journal of Isfahan University of Medical Sciences, 22, 64. https://doi.org/10.4103/jrms.JRMS_644_16